Smail Medjber
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Smaïl Medjeber (en kabyle: Smaεil Meğver), né en 1950 dans la wilaya de Tizi Ouzou (région de Kabylie) en Algérie, est un penseur et un militant de la langue berbère.
Surnommé « l'ambulancier de la langue amazigh », il est un ancien membre de l'OFB, fondateur en 1996 de la revue ABC Amazigh et cofondateur avec Mohamed Haroun (Masin U Haroun) de la revue Itij (le Soleil) au début des années 1970.
Engagement militant[modifier | modifier le code]
Au cours des années 1970, les autorités algériennes multiplient les provocations à l'endroit des militants berbéristes et des intellectuels kabyles : en janvier 1971, le cercle d'études berbères et l'Union nationale des étudiants algériens sont dissous par le pouvoir de Boumédiène après de nombreuses manifestations et arrestations. Entre 1973 et 1974, la chaire berbère de l'université d'Alger (sous la direction de Mammeri) est supprimée définitivement. Après la prise de conscience sur la question berbère et la succession des évènements en Kabylie durant cette période1[réf. incomplète], les autorités multiplient la répression ; en juin 1974, lors de la fête de la cerise à Larbaâ Nath Irathen en Kabylie, la gendarmerie réprime violemment les manifestants mécontents en raison du remplacement de plusieurs chanteurs kabyles par des improvisations de chanteurs arabophones, faisant plusieurs victimes2parmi les manifestants3.
Lors d'une entrevue, Smaïl Medjeber déclare : « Des hommes et des femmes et récemment, des milliers d’enfants ont, chacun à sa manière, porté le lourd flambeau de la longue lutte pour la revendication, la réhabilitation, la renaissance et la promotion de la langue et culture amazigh. Leur noble sacrifice n’a pas de prix. »4 Avec d'autres militants comme Hocine Cherradi, Mohamed Haroun, Ferhat Mehenni, Lahsene Bahbouh, Lounès Kaci, Rachid Hammiche, il fait partie des initiateurs du combat pour la langue et la culture amazigh, et leur engagement allait déboucher sur le déclenchement du Printemps berbère en avril 1980. Leur apport militant marque le combat identitaire berbère.
L’affaire des poseurs de bombes d’El Moudjahid[modifier | modifier le code]
Smaïl Medjeber, Mohamed Haroun, Hocine Cheradi et Lounès Kaci sont liés à l'attentat contre le quotidien El Moudjahid5. Ils forment selon le gouvernement algérien un « commando de saboteurs ». Le 3 janvier 1976, les autorités procèdent à des arrestations dans les rangs des opposants au pouvoir6. Parmi eux se trouvaient Smaïl Medjeber et Mohamed Haroun qui sont accusés d'« activités subversives ». Ils sont détenus et torturés7. À l'époque, les autorités algériennes évoquent la piste du complot ourdi par des mains étrangères et notamment françaises et marocaines pour appuyer le verdict de culpabilité des accusés. Le recours à ce procédé vise à discréditer les véritables revendications des accusés et faire valoir la menace sur les intérêts nationaux. L'usage de pseudonymes et d'alias pour désigner les accusés (Mohamed Medjeber, alias Claude-Pascal Rousseaux, qui n'utilise pas d'alias) sert à justifier la théorie du complot venu de l'étranger[réf. nécessaire].
Condamnation et libération[modifier | modifier le code]
Smaïl Medjeber et Mohamed Haroun sont condamnés le 4 mars 1976 par la Cour de Sûreté de l'État, un tribunal d'exception, respectivement à la peine capitale et à la réclusion à perpétuité8. Les prévenus plaident le droit à la langue et à la culture berbère. Le verdict prononcé à leur encontre leur coûte leur liberté avant qu'ils soient graciés onze ans plus tard, le 5 mars 1987 par le président Chadli Bendjedid.
Smaïl Medjeber restera marqué par la détention longtemps après sa sortie de prison9.
Après la prison[modifier | modifier le code]
- Smaïl Medjeber fonde la revue ABC Amazigh en 1996.
- Il écrit Il faut des ambulanciers de la langue amazigh, réédité chez L'Harmattan en 2005.
- Avec Mohamed Haroun, il est un des fondateurs des revues clandestines Itij (Le soleil) et Atmaten (Les frères)10.
Notes et références[modifier | modifier le code]
- ↑ Ali Guenoun, Chronologie du mouvement berbère, un combat et des hommes, Alger, Casbah Éditions, 1999, 223 p. (ISBN 9961-64-160-4).
- ↑ Karina Slimani-Direche, Histoire de l'émigration kabyle en France au XXe siècle : réalités culturelles et politiques et réappropriations identitaires, Paris, Montréal, L'Harmattan, 1997, 214 p. (ISBN 2-7384-5789-4), p. 112.
- ↑ « Dans le courant des années 1970, la répression intervient comme facteur nouveau, avec des conséquences décisives sur l'évolution de la revendication berbère. La détérioration du climat est multiforme : menaces et mesures de restriction et d'arabisation visant la chaîne de radio-diffusion kabyle, suppression, à la rentrée universitaire de 1973, du cours de berbère assuré depuis 1965 par Mouloud Mammeri à la faculté des lettres d'Alger... Des incidents violents se produisent en Kabylie (juin 1974), mais aussi à Alger (juin 1977) ; ils attestent tous la diffusion de l'aspiration berbère au sein de la jeunesse kabyle... » (Salem Chaker, « La question berbère dans l'Algérie indépendante : la fracture inévitable ? », Revue du monde musulman et de la Méditerranée, no 65, 1992, p. 97-105 (ISSN 0997-1327, lire en ligne [archive])).
- ↑ Propos recueillis par Farid Ait Mansour, Dépêche de Kabylie, édition n°3149 du jeudi 9 novembre 2006.
- ↑ « Algérie : ce n'est pas la France... », Le Nouvel Observateur, 8 mars 1976, p. 27 (lire en ligne [archive]).
- ↑ « Après l'attentat commis le 3 janvier contre les locaux de ce journal, l’arrestation d'un commando de saboteurs est annoncée le 8 janvier à Alger » in: L'Année politique, économique, sociale et diplomatique en France 1976, Bonnefous (E.) et J.-B. Duroselle (Dir.). (Auteur), Éditions du Grand Siècle, 1977.
- ↑ Journal El Watan, édition du 26 mai 2010.
- ↑ Le Nouvel Observateur du 08 mars 1976.
- ↑ « Ainsi Medjeber et Haroun passent douze longues années dans les sinistres pénitenciers de Lambèse (actuelle Tazoult) et de Berrouaghia dans des conditions inhumaines, avec des séquelles irréversibles. » cité dans Smail Medjeber, ABC Amazigh : Une expérience éditoriale en Algérie - Volume 2, Éditions L'Harmattan, 2006, Paris, page 237, (ISBN 2-296-00781-3).
- ↑ Smaïl Medjeber, "ABC Amazigh" : une expérience éditoriale en Algérie, 1996-2001, Paris, Budapest, Kinshasa [etc.], L'Harmattan, 2006, p. 192-193.
Bibliographie[modifier | modifier le code]
- ABC Amazigh : Une expérience éditoriale en Algérie : Volume 1, Paris, Éditions L'Harmattan, 2005, 232 p. (ISBN 2-7475-8886-6, présentation en ligne [archive])
- ABC Amazigh : Une expérience éditoriale en Algérie : Volume 2, Paris, Éditions L'Harmattan, 2006, 242 p. (ISBN 2-296-00781-3, présentation en ligne [archive])
- La grande poubelle : journal d'un ancien détenu politique en Algérie, Paris, Éditions L'Harmattan, 2010, 410 p. (ISBN 978-2-296-13819-3, présentation en ligne [archive])